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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/45

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répondrai d’écrire toujours des lettres quand vous n’aurez rien de mieux à faire, car on ne peut pas s’ennuyer quand on écrit de la sorte. Eh bien ! vous ne voulez donc pas, ni Formont non plus, que je me claquemure dans ma géométrie ? j’en suis pourtant bien tenté. Si vous saviez combien cette géométrie est une retraite douce à la paresse ! et puis les sots ne vous lisent point, et par conséquent ne vous blâment ni ne vous louent : et comptez-vous cet avantage-là pour rien ? En tout cas, j’ai de la géométrie pour un an tout au moins. Ah ! que je fais à présent de belles choses que personne au monde ne lira ! J’ai bien quelques morceaux de littérature à traiter, qui seraient peut-être assez agréables ; mais je chasse tout cela de ma tête comme mauvais train. La géométrie est ma femme, et je me suis remis en ménage. Je ne tirerai pas grand argent de mon livre, et cela ne me fait encore rien. J’avais compté, comme vous savez que je compte, sur deux mille écus environ, que j’étais bien honteux de gagner, car je n’en saurais que faire, et je n’en ai touché encore que cinq cents livres, pas même tout-à-fait. Avec cela, j’ai plus d’argent devant moi que je n’en puis dépenser. Ma foi on est bien fou de se tant tourmenter pour des choses qui ne rendent pas plus heureux : on a bien plutôt fait de dire, Ne pourrais-je pas me passer de cela ? et c’est la recette dont j’use depuis longtemps. J’attends avec impatience le mois de juin, où vous m’annoncez votre retour. Je serais enchanté de vous mener l’abbé, mais je doute qu’il puisse obtenir un congé de Thérèse philosophe (madame de Meniglés). Je lui disais, il y a quelque temps, que j’avais été le recommander aux religieux de la Merci pour la rédemption des captifs : il y en a à Maroc et à Tunis de moins esclaves que lui. Avec cela il est content, se moque de tout, est fou à lier, et a près de soixante ans. Je mourrais de passer un jour comme il passe l’année. Adieu, madame ; avec mon abbé ou sans lui, je serai toujours enchanté de vous revoir.


À LA MÊME.


Blancmesnil, 3 septembre.


Il m’a été impossible, madame, d’avoir l’honneur de vous voir à Paris, quelque envie que j’en eusse ; car je suis parti mercredi matin pour Blancmesnil, où je suis à présent. Je suis très sensible à toutes vos bontés et à tout ce que vous avez dit pour moi à M. d’Argenson ; mais je vous supplie de ne point penser à la place de secrétaire de l’Académie. Quand cette place serait