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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/49

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préface une lettre de compliment fort entortillée, et ne m’a pas dit ni fait dire un mot de ce qu’il vous a mandé. L’affaire du Journal des Savants est claire pour les gens de lettres et pour les personnages intéressés ; et voilà, ce me semble, tout ce qu’il faut pour cet endroit-là. À l’égard des critiques, la raison qui m’a déterminé à m’étendre, c’est que plusieurs nous ont été faites, que quelques-unes avaient fait impression dans le public, qu’elles regardent un ouvrage important sur lequel la nation a les yeux, et qu’enfin aucune ne tombe sur moi personnellement. Si elles m’avaient regardé, j’aurais été plus court, ou je n’aurais rien dit. Je suis au reste très flatté que vous soyez contente de cet ouvrage ; des gens qui se disent mes amis, comme Condillac et Grimm, n’en parlent pas de même, à ce qu’on m’assure ; mais je sais d’où cela vient : ils ne sont pourtant pas faits ni l’un ni l’autre pour être l’écho d’un oison ; cependant je leur pardonne, s’ils ont été plus heureux ou plus sots que moi ; mais je ne leur envie ni leur bonheur ni leur docilité.

Nous irons sûrement à Fontainebleau la semaine prochaine, et nous y resterons peu. Je vous manderai à point nommé le jour de notre arrivée. Je verrai Quesnay, et presserai de nouveau pour l’abbé Sigorgne. Je jouis actuellement d’une tranquillité qui me rend très heureux : je mène une vie fort retirée, et je m’en trouve à merveille. Il ne me manque que de vous voir. Ne vous inquiétez point de ma quakererie ; elle ne sera jamais pour vous : au contraire, plus on est quaker avec les gens qu’on méprise, plus on est sensible à l’amitié des personnes qu’on estime. Adieu, madame ; Duché me charge de vous assurer de son respect et de son attachement ; et pour moi, on ne saurait rien ajouter à tout ce que je sens pour vous.

Madame d’Aumont et le vicomte de Chabot sont morts de la petite vérole. Cela vous fait-il quelque chose ? je ne sais si vous les connaissiez.


À LA MÊME.


Sans-Souci, 25 juin 1763.


Vous m’avez permis, madame, de vous donner de mes nouvelles et de vous demander des vôtres, je n’ai rien de plus pressé que d’user de cette permission. Je suis arrivé ici le 22, après un voyage très heureux et très agréable ; ce voyage n’a pas même été aussi fatigant que j’aurais pu le craindre, quoique j’aie souvent couru jour et nuit : mais le désir que j’avais de voir le roi, et l’ardeur de le suivre depuis Gueldres, où je l’ai trouvé, jusqu’ici, m’a donné de la force et du courage. Je ne vous ferai