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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/108

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LE ROI

Il s’interrompit, reconnut une tête coupée, Téligny, gendre de l’amiral.

— Civière !

Puis il regarda le Louvre, haineux :

— Orphelin désarmé dans un palais de Furies. Deux jours passés à peine sur mon mariage, je devais assister à l’égorgement de mes frères. On dit tout bas cinquante mille, d’autres assurent pour quatre-vingts. Ce sang m’étouffe comme si j’en avais bu au broc depuis dix mille ans. Méchance ! d’Aubigné (Il tut le spasme qui montait) ; la malheure est sur le Gascon, sa mère est morte et ses amis sont morts !

Les yeux d’Agrippa luisaient en jets brusques. L’élan de son cœur semblait dire au roi de Navarre : Je suis là, je reste… Mais il n’osa pas s’attendrir.

— Moi aussi, me voilà de tout plaisir déchassé. (Sa lame grinça contre son éperon) Mais au lieu de m’abattre, ces tueries me haussent.

— Elles me navrent au contraire, et je me sens empli d’un grand trouble. Où est le devoir ? Je n’ai pas prié depuis hier.

— Mes esprits fument d’impatience ! Vengeons-nous !

— Ch… interrompit le roi gascon (Penché, de sa canne, il écartait des pourpoints) : Colombiers, Francourt.

— Beauvais, continua d’Aubigné, votre gouverneur !

— Aux civières, dit Henri.