Aller au contenu

Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
103
L’HOMME

moraleries pour les avoir maintes fois baguenaudées, mais je m’y obstine cependant. Je suis le résumé d’une série de générations qui déposèrent en moi leurs mystérieux enseignements, et me firent tel que vous me voyez et me verrez toujours, fidèle au roi (il pensa bien dire au roi que j’ai choisi, mais se tut) et aussi fidèle à ma race. Ma famille se range, par les Coucy, dans l’ancienne Maison d’Autriche, et remonte par les comtes d’Alsace et d’Hasbourg à Ethie Ier, duc d’Allemagne. Malgré ces origines lointaines, nul n’ignore que depuis que la France existe, les miens ont été Français, et par eux je le suis, et vous me verrez à l’œuvre, sire, ou me faudra fendre le jarret ! Mais dans le legs d’idées que me transmirent mes proches, lesquels versèrent leur sang pour la gloire du sol que nous habitons, une part m’en revient de ces personnages du Nord. J’hérite d’une vieille race brutale et libre qui se réunissait autour des plats de bœuf et des pots de bière, et disait franchement ses opinions. J’aime l’indépendance. Je voudrais qu’on reconnût enfin la valeur d’un chacun vis-à-vis du roi et à l’égard de tous, et qu’en guerre comme en paix, comme jadis, les rois ne se pussent passer de l’assentiment de ceux qu’ils commandent. Un homme vaut…

— Je connais tous tes airs de flûte ! rit le Gascon ; un homme vaut un homme, c’est cela que tu allais dire ?

— Oui, balbutia l’enfant.