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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/127

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L’HOMME

aussi effrayant, un maître ? Le roi en a un qui est son peuple, le peuple en a un qui est son roi. En un couplet n’y a qu’un bon mot, en un pays n’y a qu’un homme ! C’est pour l’avoir oublié que la France est en proie aux querelles. Tu voulais me mettre à cul, Rosny, avec ta question sur l’État. Je n’ai point eu besoin de faire écritures ni de lire des livres pour savoir de quoi l’État souffre  : il n’y a point de chef, ou s’il parle, est discouru par les autres et ne fait rien de bon !

Emporté de long en large, rêveur, par phrases nettes, rigoureuses, il fit le procès de l’époque :

— Les troupes dures au peuple, — les gouverneurs de provinces libres d’abuser, — les commissaires de l’impôt vendus, — cet impôt accidentel, sans force, démoralisation des privilèges, — multiplication, désordre, égoïsme, faiblesse des nombreux États, les municipalités tyranniques, deux cents législations différentes, — les bénéfices donnés à tort et à travers, — les cabales, les partis, les mécontents, — la vie voluptueuse des nobles, les cadets trop pauvres turbulents, les déclassés,

Un arrêt. Le roi soupira :

— … et la misère des paysans.

— Le remède ? fit d’Aubigné.

Une flamme rougit l’œil du roi. Il eut l’air d’un paysan-apôtre :

— Unitė.

Mais une fois le mot dit, preste, il le corrigea.