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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/144

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LE ROI

De dires en rêves, de souvenirs en devis, le voyage, tôt, fut à bout. Petits pas vont loin. À l’orée d’avril que les lilas mûrissaient, la troupe entra, en Gascogne, gagna Nérac, y vécut en liesse un dimanche, et débarrassé de ses compagnons, le roi de Navarre, entre ses deux secrétaires, s’en vint hâtivement à Pau.

Il y arriva dès l’aurore, le cœur éjoui dans la poitrine comme une soupe au chaud sous un linge, flaira le parc en paysan et sauta d’un bond les barrières.

— À la petite fortune ! cria-t-il.

Tout à son enfance, le roi crevait les massifs, ployait les arbustes, refaisait les anciens sentiers, et autour de ses grands gestes, pressés, de lointains menus souvenirs s’éveillaient des herbes.

— C’est là, montra-t-il du doigt, qu’en fourrageant au grand chaud le trou d’un grillon, j’attrapai la fièvre double-tierce.

Tout lui rappelait époques. Il vit une mare et s’émut :

— Ici, dans cette onde autrefois courante, j’établissais des moulins de paille. Autres lieux : ma mère me menait à cette avenue que vous voyez là-bas, contre ces ormes, pour bouqueter le soir aux violettes. Voici la route du logis. (Ardent, il enleva son cheval, annonça :) Et voici le château lui-même !

Il descendit, traversa la cour. Un chien maigre s’épuçait à coups de dents, une patte en l’air. Il