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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/179

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LE CAPITAINE

foule, l’armée seule y entra. Un visage pâle, invisiblement auréolé dans l’air pur de pensées sublimes et souffrantes, regardait s’approcher les troupes. Lorsqu’elles marchèrent sous ses fenêtres, la femme prit le bras de son compagnon du matin debout derrière elle et les lui montra d’un radieux geste ébloui. « Voilà de braves compères », dit simplement l’homme. La femme regardait toujours. Après les régiments à pied, des écharpes blondes se montrèrent, si somptueuses que la rue humblette en était fleurie : c’était la Cornette Blanche ; et soudain, dans une lumière, en avant de la masse des gentilshommes qui formaient l’escorte du roi, un cavalier surgit, magnifique, à la barbe d’or, aux yeux bleus, aux oreilles ornées d’opalines perles, son cou blanc joliment assis dans une collerette à tuyaux de quinze lés de linon, godronné, frisé, ceint d’un buse de toile vermeille enrichi de beaux passements, guipures, récamures, de pierres en grand nombre du plus haut prix, et monté sur un vif cheval aux soies noires qui fanfaronnait d’un pied fier et semblait coursier d’empereur. « Il m’a trop bien écouté », pensa Henri. M. de Fonsorbes qui jouait la partie du roi ne s’était jamais aussi bien vêtu. L’économe Gascon haussa les épaules. Et déjà, machinalement, il comptait la somme qui avait dû être gaspillée, lorsqu’un bras fiévreux, tout à coup, lui saisit la nuque, le ploya par terre et l’y retint, tandis que haletante, rauque en ses sanglots, si sublimisée par l’amour qu’elle semblait un appel de sainte en