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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/195

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LE CAPITAINE

— Oui, dit le roi, j’accourus donc, je te renversai contre terre et te pétillai sous mon cheval.

— De si belle façon, interrompit l’homme, que j’en eus le corps tantouillé de sang !

— C’est de là que tu te levas, quoique pétri, et me donnas de l’épée dans le gorgerin, d’un bon coup, puis d’un deuxième, ce dernier si bien appliqué qu’il m’ôta un pan du visage.

— Sire, c’est bien souvenu ; mais vous répondites bientôt par un franc coup de pistolet à ma lèvre de dessus, qui m’entra dans la bouche et vint me sortir derrière au chinon du col. J’en demeurai coi.

Il y eut un silence. L’œil d’Henri était tout orgueil, celui de l’homme tout amour.

— Et que fis-je après la bataille ?

— On me dit que vous m’appeliez, sire. Je me fis panser par les vôtres, et je vins.

— Que croyais-tu en venant à moi ?

Les nobles serrés en masse écoutaient.

— Que vous alliez me faire pendre.

— Et au lieu de te faire pendre ?

— Vous me nommâtes capitaine, sire.

Une grande émotion fit trembler l’homme.

— C’est fort bien, monsieur, dit le roi. (Une pause : il feignit de penser ailleurs) Vos armes sont propres et votre écharpe d’officier a grand air. (Soudain, il avança son cheval) Mais dites-moi si depuis que vous servez à mes ordres vous vous êtes demandé la cause de cet acte, et pour-