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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/222

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LE ROI

Garenne, hérissée d’airain ; on eût dit deux forêts en marche. Ces tumultueux bataillons, gigantesques, s’agrippant à ceux de Navarre, pénétrèrent le brasier gascon, s’y rôtirent. Le nombre, avait dit le roi, ne tient pas contre la vaillance. Le fourmillement dura un quart d’heure. Dans la nue épaisse envolée du feu on n’entendit rien qu’un grand râle, ensuite on n’entendit rien.

Les deux escadrons du roi et de Condé attendaient toujours.

— Hommes d’armes ! s’écria Joyeuse désespéré, suivez-moi !

Les douze cents chevaux s’ébranlèrent. En voyant accourir à lui, comme un monstre, cette charge poilue de lances, le roi, par-dessus l’épaule, regarda Soissons et Condé :

— Parents, n’oubliez pas que nous sommes du même sang ; je suis votre aîné.

Les cousins tranquilles saluèrent :

— Nous nous montrerons bons cadets.

C’est alors qu’entendant le galop de fer s’approcher, actifs et attentifs, tels qu’aux champs, sans une émotion, sans une faute, les fameux soldats de l’  « Etrier », encadrant les lances, firent leur mortelle manœuvre : ils plaquèrent la main droite à l’arme, saisirent leur mèche allumée, la soufflèrent jusqu’au charbon, l’engagèrent dans le serpentin fermement. (La charge accourait). Au bout de quelques secondes, tout à coup, on vit leurs premiers rangs s’abattre, la poitrine à terre ; les seconds se placer à genoux — le terrain sonore