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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/26

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LE ROI

béarnais ; mais lorsqu’elle fut à son aise, quand ils aperçurent ce ventre qu’elle voilait à peine, hardiment chaste, avec intention, comme pour dire à tous que leur prince était là, toujours, qu’elle l’entendait même, depuis la bataille, vivre d’une vie plus forte et impatiente, ils se rapprochèrent, silencieux, par groupes, les petits devant les plus hauts, étonnés, ravis, fiers de leur reine et de sa vaillance. Et l’artisan Urrubarru, découvert, commença ainsi sa requête :

— C’est le plus vieux des gens de bien qui vous entourent, Bonne Dame, sinon le plus éclairé, que les villes et les villettes de votre pays de Gascogne députent pour vous porter leurs exhortations, et c’est à quoi j’obéis, malgré que mon humble état de tisserand m’ait accoutumé plutôt à parler avec ma navette, en mon établi de Nérac, qu’aux seigneurs rois et aux dames reines ; mais à bis ou à blanc, que j’aie tort ou droit, je m’en acquitterai, net, pour le gain des suppliques qui nous chargent de vous retirer d’ici sans retard. (Oc ! interrompirent aussitôt des voix dans la foule, oe ! oc ! oc !) Vous entendez, dit Urrubarru, ces cris allègres de gais chevreaux qui vous réclament : ainsi, là-bas, les bergeries se désolent, et ne voit-on, d’Agen aux monts Pyrénées, que « bérets » se pignant par fureur de ne plus vous voir. Le temps où les Gascons, délivrés des leveurs de tailles, hersaient leurs guérets pour y jeter la graine semble nous avoir tiré le chapeau sans velléité de