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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/294

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LE ROI

le fleuve ; le roi entra dans le fort de Meulan.

Entre le petit et le grand pont, dans la partie gauche de l’île, s’élevait un temple de Saint-Nicaise à deux tourelles. Il fit signe à Rosny et à d’Aubigné.

— Suivez-moi tous deux et montons pour voir nos ennemis, je veux leur jouer le tour d’un homme fin.

Ils gravirent les degrés de la haute tour de l’église et aperçurent dans les champs, derrière l’eau de la Seine, les bataillons campés avec nombreuses pièces sur les coteaux. Les trois hommes sortirent leurs têtes du clocher.

D’ici nous dominons tout ; une coulevrine montée sur ce temple enverrait bien du mal à M. de Mayenne. Qu’en pensez-vous ? fit le Gascon.

Un boulet soudain répondit, écharpa la tour, et un large pan de l’escalier s’effondra sur le toit de l’église. Rosny désigna une fumée :

— Sire, l’avis nous vient de cette batterie, là-bas, que les assiégeants ont pointée.

Un second boulet éclata plus près, dans une sauce de fer et de cailloux, et perça le chapeau royal.

— J’aimerais mieux recevoir des pois, grogna le Béarnais, même les plus gros qui se paient aux halles sept sous le litron. (Inquiet, il se pencha) Pourrons-nous sortir de cette embusquée ?

Un troisième, un quatrième boulet démolirent sous ses yeux l’escalier tournant, une colonnette broyée tomba en miettes, le cinquième boulet troua le clocher à jour.