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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/314

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LE ROI

qui porte un pareil amour peut se coiffer de fer sans fatigue, et mon cœur plein de vous soutiendra fort bien la cuirasse.


Rendu par cet héroïque enjonement, le roi fit appeler le jeune comte de Rhodes, porte-cornette, qui avait la taille de sa maîtresse, et lui demanda sil avait un double armement. Le comte en apporta un qui lui arrivait d’Italie ; et Corisande de Gramont, qu’une fièvre enthousiasmait, s’écarta dans sa chambre où les filles de son service l’habillèrent. Lorsqu’elle revint, le roi la regarda longuement. Était-ce là sa maîtresse ? Un mince officier se tenait debout devant lui, casque en tête, l’épée au flanc, ceint d’une cuirasse que le feu des bougies allumait d’ardentes étincelles. Cet inconnu s’agenouilla, respectueux, pour baiser la grande main royale, mais le Gascon l’arrèta : « Non, dit-il, car comment vous appellerai-je pour vous faire lever d’ici ? vous voilà maintenant quasi-homme. » Immobile devant cette grâce en armes et sans sexe, il se rappela l’ « Ordène » de jadis, et dégaina : « Pour votre candeur en maints eôtés enfantine, je vous nomme page. » Il n’avait qu’étendu la main, il la lui donna tout à fait : « J’élève ce page à la dignité d’écuyer puisqu’il veut combattre et qu’il en est digne. » L’amant, alors, prit les deux éperons, et redit la formule ancienne : « Qu’ils vous servent à presser vos chevaux. » Il saisit l’épée de Corisande : « Je vous en pare pour défendre le bien français, empêcher les pauvres d’être malmenés