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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/326

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LE ROI

para soudain d’un mousquet, renversa les groupes, prit la tête, et chargea son arme. « Sire ! supplièrent les nobles, que faites-vous ? » — « Il n’y a plus de sire ! les races des petits et grands sont égales devant la mort, je vais faire ici le caporal ! » Des mains l’écartaient, il resta devant, la barbe à l’ennemi. « Arrière ! sire, gémit lamentablement la Cornette, n’ayez garde, nous mourrons en un tas ensemble pour votre vie (ils se pressaient tous vers le roi) mais combattre encore, c’est passer dessus l’impossible ; nous sommes tous démunitionnés, que mettrions-nous dans nos pistolets ?…

Un mousquet dardé, un grand front d’orgueil, d’héroisme et d’entêtement, une raillerie sauvage, un cri :

Vos dents !

Et ce qui restait de la Cornette, après ce mot, attendit la charge suprême.

À ce moment, le combat râlait d’allégresse. Toutes les compagnies étaient engagées, toutes les pièces tiraient à foudre ; on ne voyait qu’horizons de lances : métalliques forêts animées d’une vie lugubre qui se déracinaient tout à coup, s’inclinaient comme au vent d’autan et sur un signal de trompettes s’emballaient d’un lourd trot ferreux et se mettaient macabrement à charger les unes contre les autres pour s’abattre enfin en grand bruit sur leurs racines humaines. En tête de sa troupe réduite à deux cent trente nobles