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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/331

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LE ROI

dessus des troupes ; des ondulations s’y jouaient, fuyantes : l’arc légér d’une épaule, le globe d’un sein, d’autres choses sous d’autres plis, et dans la tempête qui enflait ce voile une femme ailée semblait vivre. Cette persistante vision, à la fin, grisa la bataille. Autour du Gascon heureux, mille « amants » se pressèrent ; les blessés s’arrachaient du sol, jusqu’aux morts eux-mêmes dont on eût dit que les bras, crispés vers la tentation, démandaient un geste, un baiser, quelque fugitive et dernière étreinte. D’extatiques clameurs, d’effrayants rires, des voix de rut s’essoufflaient vers ce linge blane qu’une brise de plus en plus forte exaltait de frissons d’amour. Le roi pénétra l’ennemi, étouffé, comme un coin dans un arbre tendre. Il semblait que ce ne fût plus lui qui portât la lance, mais une foule de mains avides ineffablement attachées au voluptueux étendard. Cette charge « lente », ces horribles cris de tendresse, ces bouches, ces regards épouvantrent les superstitieux Espagnols et les gras Flamands. Comme il essayait un passage, le comte d’Egmont fut tué. Tout plia aussitôt : Wallons et carabins, tournant brides, brouillèrent l’escadron de Mayenne qui volta parmi les fuyards en abandonnant sa Cornette. Dans l’orage qui soufflait en force, la chlamide d’une Victoire, par moments, se convulsionnait au-dessus du roi, orgueilleuse, et se promettait impudiquement à l’armée. Des galops rompaient devant ce haillon : lansquenets, reîtres, les trois compagnies flamandes et celle de Mayenne se précipitèrent vers