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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/354

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LE ROI

Les quatre visages se tournèrent.

Un homme noir se tenait au seuil de la porte et regardait les convives. Sa lèvre était d’un soldat et son front songeait.

— Monsieur d’Aubigné ! s’écria Pithou, je savais que vous viendriez n’importe à quelle heure, et votre verre est là tout empli !

D’Aubigné prit la coupe et leva le bras :

— Avec vous, je viens boire au succès du seul qui ait tenté, en ces misères, de sauver le peuple qui peine, et à qui les hommes ont failli : au seul roi de France, mon maître !

Mais mul verre ne se leva contre son verre. Les yeux inquiets regardaient le fond de la salle où quelqu’un, derrière d’Aubigné, s’était silencieusement assis.

— Morbien ! je vous entends ; mes camarades ont peur ! et pour un laquais sur une chaise, voilà que le courage leur fault !

Les doigts, timides, reprenaient les coupes.

— N’ayez cure de cet homme-ci, dit allègrement d’Aubigné, car il vaut mieux que son habit. (Il posa son feutre) Dans l’état que nous faisons, tant de maux soufferts en commun font les serviteurs près des maîtres.

Les coudes aux genoux, dans l’ombre, le valet approuvait du chef.

Les verres furent levés, choqués, vidés. On oublia le laquais qui ne bougeait plus.

— Mon maître à vous m’envoie, reprit d’Aubigné, pour apprendre si ses amis du Tiers le sont