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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/384

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LE ROI

vermeils, les fils d’or comme les fils noirs, et en formaient par leur assemblage des événements et des figures. Une rumeur montait de leurs mains agiles, emplissait la grand’chambre d’un sourd écho d’atelier ; mais ces femmes ne regardaient pas leur travail entre leurs mains hautes et obéissantes, elles s’appliquaient à copier d’invisibles choses.

On n’eût pu les reconnaître, on n’eût pu aussi les nommer ; elles manquaient de réel visage, et n’avaient point de patrie. Elles venaient d’on ne savait où, de loin, de derrière ce qui est loin. Peut-être avaient-elles tissé dans les temps anciens les histoires d’Andromède et d’Amione, d’Artapherne assiégeant Erétrie, de Xercès et des Thermopyles et d’Athos percé ; peut-être les avait-on vu poser l’écarlate à Jérusalem sur le voile du Temple emporté par Antiochus à Olympie. Indistinctes, rayées par les longs fils du métier, aucune passion humaine n’altérait leur front nuageux ; mais en contemplant leur travail, on voyait qu’elles savaient le monde, le ciel, les hommes, la Vérité.

Vingt-cinq panneaux, dans le clair-obscur, montraient en éblouissants jets de couleur une histoire, incompréhensible d’abord, où revenait sans cesse le mâle visage d’Henri IV, au long des événements qui avaient eu lieu de 1569 à 1594, depuis l’enfant de quinze ans jusqu’au roi qui venait d’entrer dans Paris.

Un groupe de six tapisseries représentait les