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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/48

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LE ROI

sur une jonchée d’herbes, de giroflées et de roses qui couvrait le sol, et sous l’œil du roi, ces femmes sans culture, mais intelligentes, imaginèrent de présenter à l’enfant les vérités universelles, sous une forme brève et large, à la fois solide et gràcieuse et autant qu’il se pouvait amusante. Elles n’eurent qu’à se rappeler le précieux trésor des sentences élaborées, retouchées par l’âme nombreuse du pays, les phrases toutes faites, hardies, et malignes, les admirables lieux communs qu’elles avaient entendus naguère, autour des établis, des comptoirs, dans les vieilles boutiques à cornières et à la table familiale. La leçon jaillit aussitôt comme un chant à mille couplets ; et ce n’était plus elles, ce fut la France, de tous côtés, qui parla au prince.

D’une voix douce, aidant leurs mémoires de l’une à l’autre, les mains égarées dans le flot des fleurs qui les entouraient et faisant de ces choses graves un jeu, elles initièrent le prince aux idées, aux personnages de l’Église, aux saints, aux prêtres, aux religions diverses, comme on cause : « Tel chapelain, disait l’une, tel sacristain ». « L’abbé mange le couvent », ajoutait une autre. Et encore : « En petite maison Dieu a grand’portion », « Péché enlaidit », « Il n’y a si petit saint qui ne veuille aussi sa chandelle », « Les laboureurs sont les évêques des champs », « Dieu donne le froid suivant la robe ». — À ces sentences, les bourgeoises toujours donnaient une explication, la plus simple, en souriant, et l’accom-