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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/57

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L’ENFANT

qu’il fut averti, quand se dégagèrent à ses regards, aux lueurs de la connaissance, les directions à choisir, on ne douta pas qu’il prendrait le meilleur sentier, le plus ravineux et âpre, et pour le précipiter plus vite en cette dure grande route de l’honneur, les mains de sa mère l’assirent sur un cheval.

Celui qu’il monta d’abord fut une lente bête romaine aux actions arrondies, au chanfrein de mouton, noire, qui rappelait les sancto spirito attelés aux voitures cardinalices. Avorton de quatre ans chichement posé sur ce large rein comme un pois, le jour qu’il apparut sur le marché de Morlas les poules elles-mêmes se mirent à rire.

— Hénriquét ! nouste agnélot ! (notre agneau !) criaient les femmes.

La présence de son père lui redoublant le cœur, l’enfant revint au trot, pendu comme un crabe aux nattes du cheval. Quinze jours après, on le mit sur un Espagnol de manège, pompeux et paradeur : il vit ainsi Orthez, Oloron, les vallées d’Oursan, de Barretous, d’Ayre, et traversa en chevauchée, accueilli comme Noël, tout un Bigorre aux mains jointes :

— Qu’ey fi ! qu’ey béroï ! (qu’il est fin, joli !)


Lorsque le prince sut parler aux bêtes le langage du poing, M. de Sainte-Christie, de la Sénéchaussée d’Armagnac, lui fit hommage d’un Navarin sans aspect, plongé, tranchant, grêle, qu’on