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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/71

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L’ENFANT

et devant la porte, bientôt, vingt chevaux fumants s’arrêtèrent.

— Monsieur de Faudoas, dit l’enfant, pourquoi ce tumulte ? N’ai-je pas coutume d’aller promener seul ?

Le baron désigna la rue pleine de bourgeois et de peuple :

— Messieurs les magistrats désiraient souper avec vous, ce soir, en leur Maison de Ville, et le peuple ne vous voyant plus a sonné les cloches. Que Monseigneur pardonne.

— Un cheval, dit le garçonnet.

Le comte d’Esquiédaze donna le sien. L’enfant le monta, envoya bon soir à s’amie en larmes, et raide comme un écouvillon, brave pour deux, s’en alla sans tourner la tête.

L’histoire de ce prince qui au lieu de boire avec les seigneurs se sauvait lorsqu’il était libre, errait dans les faubourgs, pieds nus, donnait des conseils aux vignerons et jouait avec les paysannes, ce conte de fée passa de bouche en bouche, et dressé d’orgueil, inhabitué à ces caresses de prince, le populaire des échoppes, le bestial humain des labours accourut pour baiser l’enfant. Mais au geste qu’il fit, las, le front penché, on devina qu’il souffrait. Tout se tut. La foule misérable qui pactise avec la douleur dépassa le cheval du prince, raviva ses flambeaux, l’annonça et le précéda jusqu’à son logis sans rien dire ; — et dans le cours de sa difficile vie, rien, aucune expérience,