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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/74

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LE ROI

ces bons hommes loyaux s’entendirent avec le savant Béroalde, précepteur d’un enfant déjà illustre, et ces trois hommes, dans le but d’ajouter l’émulation à leur influence, décidèrent de donner au prince, pour compagnon, le jeune d’Aubigné (Théodore Agrippa), de la noblesse de Saintonge.

Ce fut sa première amitié, elle ne devait finir qu’à la mort. Vite ils se plurent. Sur un monseigneur d’Agrippa, le Gascon lui meurtrit l’épaule : « Seigneur de quoi ? du fond de mes chausses ? Tutoyons-nous d’un tenant, camarade, je ne m’appelle aujourd’hui qu’Henri ! » Et il l’embrassa sur les joues.


Leurs études en commun avaient lieu après le souper, de huit à dix heures, dans une grande salle du Louvre, sous la direction de Béroalde assisté de La Gaucherie et de Beauvoir. Le mépris des princes et de la plupart des seigneurs pour les « bonnes lettres » isola encore plus ces solitaires, entoura leurs veillées du soir d’une paix pensive et charmante. Là se répétaient les leçons du jour, l’histoire universelle, les mathématiques, les langues. D’Aubigné qui n’allait plus au collège et qui était passé de Jean Cottin, homme « astorge et impiteux », à la science moins insensible de Morel, pour aboutir entre les mains de Béroalde, ne retrouvait son ami qu’à ces heures brèves. C’étaient les heures du revoir, des effusions fraternelles et des travaux, les meilleures du prince.