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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/81

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L’ENFANT

cérémonies. Et toi, mon frère et mon maître, tu suffiras bien à m’instruire ! »

Il bondit vers une table, écrivit une longue lettre, la lut à d’Aubigné qui y ajouta ses respects.

Le mois suivant, il abandonnait le collège. Et les professeurs s’aperçurent à ses révérences, malgré l’ironie moqueuse des balancements de son chapeau, qu’il était sous ses dehors rudes tout dressé déjà.

Sous la surveillance de Béroalde, de La Gaucherie et de Beauvoir, les deux enfants, dès lors, travaillèrent ensemble dans un pavillon isolé construit autrefois pour Diane. D’Aubigné avait douze ans, le prince en avait dix. Sous ces ombrages, dans ce froid retrait au silence de moustier, huit mois s’écoulèrent à traduire de vieux auteurs, à rêver sur les chants d’Homère et à s’enorgueillir de Plutarque. Trois pensées vigilantes, trois hommes, trois sages, près de la muraille, apaisaient ces enfants ardents, désattisaient le feu de leurs disputes, et les remettaient l’un devant l’autre, avec leurs erreurs, dans la clarté de la logique éternelle. Ravi de cette existence, le prince ressaisit son parler salubre, ses aises paysannes. Un seul danger : l’ombre de Catherine, présente partout, sinistre… Et plus d’une fois, curieuse non seulement de ce d’Aubigné qui avait à sept ans traduit Platon, mais de ce prince de Navarre, brusque et subtil, dont on citait des merveilles, la frivole