Aller au contenu

Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/85

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
L’ENFANT

— À quoi vais-je m’y occuper ? demanda le prince.

— Voyagez les champs, lui dit sa mère, je ne vous veux pas voir enfumé dans un coin d’âtre ! Montez à cheval, je vous délivre. Allez apprendre les hommes, deçà et delà, et contrôler de vos yeux ce que vos « écoleries » vous montrèrent. Assez de grimoires, dans deux ans vous prendrez harnais.


Il s’évada. Pendant les deux ans qu’il vécut dehors, libre, au grand air des pensées, il pratiqua sur la vie elle-même. Il n’eut qu’à se montrer dans les maisons de ville, au milieu des camps, sous les chaumes, qu’à entrer derrière son sourire chez l’un et l’autre, pour glaner et dresser étroitement, par un sûr instinct de son avenir, la vermeillette gerbe dont il devait faire plus tard son glorieux « chapeau de laurier ». Le secret de cet unisson dans la ferveur des plus hauts comme des plus humbles, c’est qu’il fleurissait sur ses racines, qu’il était de la terre qui le portait : son regard lançait le beau temps aux yeux, son haleine montait du terrain, il avait dans la voix toute la rocaille de Quercy, ses gestes, son rire imitaient les zigzags et le bullement argentin des trépillantes eaux de l’Adour ; et il eût fait un signe, ses compatriotes, ensemble, se fussent levés ou retirés, comme on rentre à l’orage, comme on sort au soleil. Sa mère, dans l’espoir de l’armer plus vite, encourageait ces triomphes, lui facilitait la conquête par ses grâces simples. Il fut le nœud, bientôt, de ces innombrables petits centres. Les