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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/88

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LE ROI

(La reine les désignait par la fenêtre) Je vous abandonne à eux, mon fils, ç’ont vieils personnages d’expérience instruits par les faits et la réflexion. Ne vous montrez pas auprès, contre votre coutume, muable et léger ; s’il est difficile, Henriquet, de donner avis, est plus difficile aux autres de le savoir prendre. Questionnez donc en route maints et maints, écoutez disants et contredisants ; têtes blanches sont sages ; et tenez-vous ensuite de pied coi, car il vous faudra manger beaucoup de sel pour connaître un homme. Ils vont vous conduire à MM. de Condé et de Coligny qui vous attendent là-bas, le feu sur le serpentin, pour vous enseigner la guerre. Courez-y intrépidement ; il ne faut qu’un peureux pour retarder mille braves. Vous avez assez lu et fait écritures, celui qui se presse aux paroles doit s’empresser double vers les actes. Veuillez ce que vous pouvez, ce que vous devez. N’oubliez jamais que vous êtes pauvre : vous portez votre grange et votre cave sur la selle de votre cheval. Boutez fer et flamme tout en vous garant des écornes, et ne sortez des batailles que le dernier morceau à la bouche. Ça, m’avez compris ?

— Oui, dit l’enfant pâle.

Un silence étreignit la salle.

— Et celles-ci, questionna le prince en montrant les femmes, qui sont-elles ?

La reine baissa la voix :

— Je ne puis vous les, nommer, elles n’ont pas de nom.