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Page:D. - Mémoires d’une danseuse russe, 1893.djvu/186

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du moins à la portée de nos oreilles. Dès que nous eûmes quelques instants de liberté, je m’avisai de l’interroger.

— Il t’en arrivera autant à toi, quand tu seras à même de travailler pour les grandes dames. Pour un point plus long que l’autre, pour un pli défait, sans même prendre la peine de donner une explication, se prétendant mécontentes, elles viennent se plaindre à la patronne qui, si elle est hautaine et arrogante avec nous, est d’une humilité de serve pour ses clientes riches et titrées. Elle ne leur refuse jamais la satisfaction qu’elles réclament, qu’elle leur donne, et qu’elles prennent le plus souvent elles-mêmes sur nos fesses. Mais tu la verras à l’œuvre, car il y a des dames qui viennent dans l’atelier se faire désigner les coupables.

La semaine dernière, ce fut la comtesse de Sha… qui vint se plaindre que le corsage qu’on lui avait livré la veille avait été mal défaufilé, qu’elle avait été obligée de faire terminer cet ouvrage par sa femme de chambre. Moi qui avais fait ce travail, je savais bien qu’il n’y avait pas un mot de vrai dans ses affirmations, et madame,