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Page:Dabit - L'hotel du nord, 1929.djvu/146

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Kenel, qui passait sur le palier, s’arrêta.

— Ça sent bon le frichti ! Vous n’êtes pas fatigué de cuisiner tout le temps ?

— Que non pas ! C’est de la ragougnasse que je fais au restaurant. Entrez. Vous allez voir ce que c’est, de la cuisine.

Il leva le couvercle de la cocotte. Kenel renifla et fit claquer sa langue.

— Vous lisez des recettes ? demanda-t-il.

— Non. C’est l’Homme qui rit, du père Hugo. Un précurseur. Avez-vous lu l’Année Terrible ? »

Pluche parlait politique comme les jeunes gens de leurs amours : intarissablement.

— Moi, je suis syndicaliste-socialiste, commença-t-il. Je suis citoyen de la terre. Camarade Soleil brille pour tout le monde.

Kenel s’esquiva et Pluche se replongea dans sa lecture. D’une main, il tournait son fricot, de l’autre les pages du livre ; à côté de lui était posé un verre de vin. Il lisait tout haut, roulant les yeux, gonflant les joues et sa voix soufflait comme le mistral.

À huit heures, le lapin était cuit mais Berthe Pluche, serveuse dans un restaurant des boulevards, n’était pas de retour.

« Elle aura fait un extra, se dit-il. Et tout