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INTRODUCTION.

monde ce qu’il y a de sainteté et d’amour en Dieu ; il a fortifié les courages et multiplié la puissance des remords. Par ces mystérieux enseignements, nous avons appris que le mal n’est pas une réalité absolue et objective, mais qu’il est purement subjectif et ne se trouve que chez l’être contingent ; qu’il résulte d’une activité libre, éclairée sur sa destination, attirée doucement et non pas soumise à l’empire d’une nécessité invincible. Nous avons appris que, comme l’immensité infinie de l’Être éternel n’exclut pas la possibilité et l’existence des substances créées, ainsi la souveraineté absolue du bien n’exclut pas la possibilité ni l’existence du mal ; et qu’ainsi les créatures sont des substances placées en dehors de Dieu qui les a produites par amour, et également le mal est l’abus réel d’une liberté qui se conçoit comme un bienfait.

Voici comment saint Denys expose philosophiquement ses doctrines, qui furent aussi les doctrines des grands métaphysiciens du christianisme, et en particulier de saint Augustin, de saint Anselme, de saint Thomas. En principe général, le mal n’est rien de positif, de substantiel ; conséquemment, il n’émane pas de Dieu ; il n’a pas son origine ni sa raison en Dieu. Le mal n’est qu’une limitation, une privation, une déchéance du bien. Or, cette privation, c’est la borne même et le terme nécessaire de tout ce qui n’est pas infini, et on ne peut la nommer proprement un mal. Pour la déchéance, elle s’accomplit par l’exercice déréglé de la force libre dont sont armées les natures intelligentes ; elle est donc le résultat négatif d’une activité faussée : voilà le seul mal qu’il y ait au monde. Ainsi :

1° La privation du bien, l’imperfection naturelle, ou, comme on dit dans l’école, le mal métaphysique n’est véritablement pas un mal ; c’est seulement un moindre bien. Tout ce qui est créé reconnaît des bornes, car il n’est ni éternel ni infini. Ces bornes constituent l’imperfection, la privation : imperfection et privation qui sont dans la nature des choses, qui se conçoivent positivement, et qui