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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/110

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appris aussi que, par testament déposé chez un notaire, ma tante Moreau a divisé ce qu’elle possède en trois parts : la première doit revenir à Louise, la seconde à moi et la troisième est réservée aux hôpitaux.

Je ne sais pas pourquoi, mais j’y pense, à ce testament, en entrant dans la grande pièce où la vieille tante est assise dans le fauteuil qu’elle ne quitte pas depuis longtemps. Elle a l’air si décrépite, si usée, la pauvre femme ! À notre entrée, pourtant, un éclair de joie a illuminé sa physionomie surannée, mais maintenant elle a repris son aspect morne ; ses mains se sont aplaties davantage encore ; ses tempes saillantes, ses joues creuses, sa mâchoire étroite et proéminente, ses yeux qui ont l’air de trous, tout dans son visage évoque l’idée d’un crâne sur lequel on aurait collé de la peau tannée et jaunie comme celle d’un tambour de basque.

Ça sent la mort autour d’elle. Et pourtant elle est si douce, si bonne que, peu à peu, l’impression de frayeur glacée, qui m’avait saisi en entrant, s’efface. Elle demande des nouvelles de notre santé, elle s’informe de nos études.