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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/119

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tionnaire lui-même pose son fusil contre la grille et se mêle à la discussion.

Nous sommes déjà loin que nous entendons encore les cris :

— On devrait vous fusiller, espèce de Prussien !

— Prussien vous-même !

— Vous allez voir ça quand nous aurons la République !

— Qu’est-ce qu’il y a donc ? demande mon père à chaque pas ; mais qu’est-ce qu’il y a donc ?

Il y a quelque chose, en effet. Plus nous avançons, plus la rue est encombrée. Au coin de l’avenue de Paris, devant la mairie, il y a un rassemblement considérable. Des hommes, à la lueur des becs de gaz, lisent tout haut des journaux qui viennent d’arriver de Paris. D’autres pérorent bruyamment, gesticulent comme des pantins, et leurs ombres qui s’allongent sur la chaussée jaunie par l’éclairage de la préfecture, en face, prennent des formes inattendues et grotesques. Dans le tohu-bohu, on ne comprend pas très bien ; ce sont les mêmes mots, pourtant, qui reviennent le plus souvent : patriotisme, République, défense nationale…