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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/164

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― Je ne demande pas mieux… mais je… en ce moment-ci… je crois…

L’épicier balbutie, se trouble, rougit. Le père Toussaint le regarde curieusement et, tout à coup, éclate de rire.

― Dites donc que vous l’avez enterré aussi, votre fusil, sacré farceur !… Allons, donnez-moi votre sabre, allez ! il y a encore de la place dans le trou…

M. Legros s’en va, rouge de colère.

― Savez-vous, Barbier, demande mon grand-père, que si les Prussiens arrivaient en ce moment-ci, ce gros patapouf de marchand de tabac serait parfaitement capable de se faire tuer pour me prouver que j’ai eu tort de me moquer de lui ?

― C’est bien possible, fait mon père qui achève de combler la fosse. Heureusement, les Allemands ne sont pas encore là…

― Au fait, Jean, as-tu porté à la poste les lettres que j’ai écrites ce matin ?

― Pas encore, papa.

― Vas-y donc. Il est plus de dix heures et demie et la levée a lieu à onze heures.

Je vais à la poste, je laisse tomber les lettres dans la boîte et je reviens en chantonnant, le nez baissé, comme si je comptais les brins