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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/173

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de l’arbre contre lequel je suis collé. Ils sont couverts de sang, ces hommes ! il y a du sang aux banderoles de leurs lances, aux jambes de leurs chevaux, aux morceaux de leurs uniformes déchirés et l’un d’eux, au premier rang, a la figure entourée d’un linge blanc que piquent des points rouges. Ils viennent de se battre. Ah ! c’est affreux ! Je veux m’en aller, je veux m’en aller !

Impossible. Devant moi, il y a des uhlans qui s’avancent toujours au pas, en fouillant de l’œil les rues transversales et, derrière, une masse noire s’approche. On entend le bruit des pas. On commence à distinguer les pointes des casques, les canons des fusils, les petits tambours, guère plus grands que des tambours de basque, et les fifres. Ils jouaient une marche guerrière, ces tambours et ces fifres, suivis de fantassins à l’uniforme bleu sombre, qui défilent, chaussés de bottes où ils ont fourré leurs pantalons, le fusil à plat sur l’épaule, le manteau roulé en sautoir. Et ces hommes, souillés de boue et de poussière, noirs de poudre, aux tuniques en lambeaux, ces hommes qui se sont battus ce matin, sans doute, qui viennent de faire une marche pénible, conservent l’alignement