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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/256

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— Mais, ajoute M. Legros, il est bien entendu que c’est pour les nôtres, pas pour les Prussiens… rien que pour les nôtres…

La sœur a retiré la main et, étendant le bras vers la longue galerie où souffrent les mutilés :

― Pour tous, dit-elle.

M. Legros est stupéfait.

― Mais, ma sœur, voyons… je ne peux pas… pour les Prussiens… je ne peux pas…

― Alors, gardez votre argent, mon frère. Je ne peux pas le prendre.

Et la sœur est rentrée, droite et calme, dans l’ambulance dont elle a fermé la porte tout doucement.

M. Legros est furieux ; mon père aussi.

― Ah ! la béguine ! la garce ! la sale béguine ! Avez-vous vu ça ? Pas pour deux sous de patriotisme ! Pas un liard de cœur ! C’est honteux !…

Et le marchand de tabac frappe sur la pièce de cent sous qu’il a remise dans le gousset de son gilet.

― J’aimerais mieux la jeter dans la pièce d’eau des Suisses que de la donner aux Prussiens !