Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/31

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― Ah ! monsieur, si ç’avait été possible ! Comme je l’aurais soigné !

Mon père et ma sœur rient aux éclats. Je ne sais pas pourquoi, mais je leur en veux de leur rire.

À vrai dire, je leur en veux de moins en moins. J’ai eu beaucoup d’affection pour Catherine, autrefois, mais je m’en suis détaché insensiblement. M’ayant connu au berceau, elle a continué à me traiter en enfant ; elle ne peut arriver à se figurer que je vais être bientôt un homme. Il y a dans sa tendresse pour moi quelque chose qui sent la nounou, le lange, le hochet. Elle a, en nouant ma cravate, le matin, des petits tapotements très doux, des lissages d’étoffes, de ces gestes qui ajustent les robes de bébés ― qui arrangent les bavettes. ― Et puis, au point de vue intellectuel, nous avons cessé toutes relations. Elle a un mot qui explique tout et qui a fini par me déplaire. À toutes mes questions sur les chiens écrasés, les aveugles et les boiteux, les chevaux qui se cassent une jambe et les morts qu’on mène au cimetière, elle faisait la même réponse : « C’est le bon Dieu qui l’a puni. »