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Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/44

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cherchais un prétexte pour ne pas l’accompagner, il m’a dit lui-même de ne pas venir avec lui.

― Car on te l’a défendu, n’est-ce pas ?

― Oui, monsieur.

Il a haussé les épaules. C’est son habitude. Que je lui parle de mes parents, des voisins, de ce qui se passe dans le quartier ou dans la ville, il hausse les épaules. C’est surtout lorsque je lui demande un bouquet de la part de ma sœur qu’il a un petit mouvement d’épaules accompagné d’un mince sourire railleur ― toujours le même ― qui en dit long. Il ne doit guère se tromper sur le compte de Louise. Il ne m’en a jamais parlé mal, c’est vrai ― il ne cancane pas ― mais on voit qu’il est fixé à son sujet. Au sujet de bien d’autres aussi, sans doute. Il doit savoir juger les hommes, le père Merlin, avec ses yeux clairs, et c’est peut-être pour cela qu’il les méprise un peu ― et qu’il n’en dit rien.

Son haussement d’épaules ne signifie pas : « Ce que vous me dites ne m’intéresse pas. Ça me laisse froid. » Il veut dire : « Je le savais avant vous ; seulement je veux faire comme si je ne le savais pas. »