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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/108

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valet de pied qu’afin de ne point quitter ses patrons, pour lesquels il a une grande affection. Il m’intéresse beaucoup.

Mais ce qui est surtout intéressant, c’est la conversation de Raubvogel. Il me dit, à moi, bien des choses qu’il n’a point voulu dire à ma grand’mère afin de ne point la froisser ; il me raconte toutes les atrocités que les Allemands ont commises en Alsace ; il me narre les excès dont ils se sont rendus coupables à Strasbourg. Il m’avoue que sa haine des Prussiens est tellement grande qu’il a préféré faire tous les sacrifices et quitter sa terre natale plutôt que de demeurer dans une province occupée par eux. Il va s’en aller, lui et sa femme, avec Delanoix, dans le Nord ou autre part, enfin dans un endroit où il pourra voir flotter le drapeau tricolore.

— Toutes les privations, dit-il, toutes les misères, mais la France !

J’en pleure. Alors, le cousin me parle de mon père et de ses hautes capacités militaires. L’histoire du coup de pied de cheval le navre. Il ne doute pas, néanmoins, que mon père ne reprenne avant peu sa place à la tête d’un régiment et ne devienne un des vengeurs de la patrie.

Quand on se lève de table, Estelle me fait présent d’une belle cravate qu’elle a achetée le matin pour moi ; et le cousin glisse une pièce de cinq francs dans chacune des poches de mon gilet.

Avant de quitter Gédéon Schurke, qui me reconduit à la maison en toute dignité, marchant à deux pas derrière moi, je lui mets une de ces deux pièces dans la main. Il l’accepte avec un grand salut, mais un drôle d’air.



M. Delanoix est arrivé ce matin, et nous a fait un effrayant tableau de la désorganisation qui règne en