Aller au contenu

Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

apprend, au profond chagrin de ma grand’mère, qu’il doit nous quitter dans deux jours. Il a reçu l’ordre d’accompagner le général von Stosch qui est envoyé comme chef d’état-major à l’armée du grand-duc de Mecklembourg, qui opère contre l’armée française formée sur la Loire. Les qualités militaires du grand-duc sont des plus douteuses ; et le général von Stosch doit jouer auprès de lui le rôle d’agent de confiance du Quartier-Général. Mon oncle nous donne des renseignements sur cette armée de la Loire, mais il ignore si mon père s’y trouve ou non. En tout cas, l’état-major est décidé à agir vigoureusement contre cette armée, d’autant plus qu’un demi-succès des Français, à Coulmiers, vient de nécessiter l’évacuation d’Orléans. On est convaincu en haut lieu que Paris capitulera dès qu’il saura qu’il n’a pas à compter sur l’aide de la province, en lequel il espère. L’armée de la Loire, par conséquent, doit disparaître. Quant à Paris, en dépit de Moltke qui a déclaré que « l’acte le plus stupide pendant toute cette guerre a été l’envoi de l’artillerie de siège devant Paris », les Anti-Bombardeurs ont perdu toute influence et le bombardement va commencer. Von Roon a triomphé sur toute la ligne.

Quand mon oncle nous a quittés, par un froid et sombre matin d’hiver, ma grand’mère retombe dans sa tristesse et je me sens ressaisi par l’ennui. Ma seule distraction est l’étude des langues étrangères qui m’intéressent beaucoup. Ma grand’mère m’apprend l’allemand, et M. Freeman l’anglais ; je fais, dit-on, des progrès très grands dans ces deux langues. En fait, vers la fin de la guerre, je les parlais parfaitement ; je n’ai commencé à les désapprendre pas mal, ainsi que beaucoup d’autres choses utiles, qu’à Saint-Cyr.

Et les jours passent, lentement, lentement…