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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/119

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de faim dans la maison de la rue de Clagny, que ma grand’mère a louée au général, et dont celui-ci a toujours négligé de payer le loyer. Néanmoins, ma grand’mère, mise au courant des faits, n’a pas hésité à aller offrir son aide à sa locataire.

— La conduite de son mari à son égard a été très blâmable, pour ne rien dire de plus, m’a dit ma grand’mère lorsque Mme de Rahoul nous a eu quittés.

Et elle me laisse entendre que le général, après avoir dilapidé la fortune de sa femme, fortune considérable, n’a cessé de se comporter envers elle d’une façon abominable. Ma grand’mère, d’ailleurs, est très discrète ; trop discrète, à mon avis, car je voudrais bien en savoir plus long sur le ménage de Rahoul. Je m’aperçois, de jour en jour davantage, que la conception que je m’étais faite jusqu’ici de l’existence des gens que je connais, et de la vie en général, a grand besoin d’être amendée. L’étonnement me quitte de plus en plus, et je suis prêt à tout comprendre.

À tout imaginer aussi. Je pense que le général de Rahoul, lorsqu’il reviendra, et lorsqu’il saura que son Panari a osé sortir de sa maison, venir ici, et même accepter d’être secourue dans sa détresse — car j’ai bien vu ma grand’mère lui glisser dans la main, à la dérobée, quelques billets de banque —, je pense que le général de Rahoul, lorsqu’il apprendra tout cela, entrera dans une de ces grandes colères qui rendent sa figure toute rouge ; et qu’il tuera peut-être le Panari.

Ou bien, se contentera-t-il de l’enchaîner ? Grave question, que je n’ai pas le temps de résoudre, car nous venons de recevoir de mon oncle Karl une dépêche qui nous annonce son arrivée immédiate. Et nous apprenons presque en même temps, par un officier prussien qui passe quarante-huit heures à la maison, qu’Orléans vient d’être repris, hier 6 décembre, par les Allemands qui