Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/13

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des uniformes et des armes, comme au milieu d’un poudroiement de gloire.

Avant-hier il était beaucoup trop tard pour voir ça ; trois heures après midi au moins. M. Gabarrot était venu longtemps après déjeuner ; il est un peu souffrant ; un rhume qu’il a pincé le 1er janvier, dit-il, parce qu’il a mis un pardessus, et dont il n’a pu se guérir encore quoique nous soyons aux derniers jours d’avril. Il toussait ; et bien qu’il se fût redressé pour passer devant le factionnaire qui lui portait les armes — un voltigeur du régiment de mon père — on eût dit que sa haute taille se courbait de plus en plus sous la pression d’une invisible main. Il s’est mis à causer avec le gardien en chef du Jardin, un vieil officier d’Afrique qui est son ami ; moi je poussais mon cerceau ; et lorsqu’il m’arrivait de passer à côté des deux vieux guerriers, je les entendais parler du col de Mouzaïa ; ou dire qu’Abd-el-Kader était un rude lapin. Quand j’ai été fatigué de courir, j’ai examiné la terrasse du bord de l’eau, où l’on a installé un chemin de fer pour le petit Prince, un si joli petit chemin de fer, sur lequel j’aurais bien voulu aller encore faire un tour ; j’avais eu cette chance il n’y avait pas très longtemps, un jour que mon père était de service au Château et que le prince conduisait lui-même la locomotive. Ah ! quelle joie ! Et j’ai regardé tristement le palais où le petit Prince travaillait, sûrement, peut-être dans ce pavillon central sur le toit duquel je voyais flotter le drapeau tricolore.

Le colonel, qui avait quitté son ami, est venu me rejoindre et m’a demandé si je me souvenais du départ de la Cour pour Saint-Cloud, auquel j’avais assisté, avec lui, l’été précédent. Si je me souvenais ! Les piqueurs dorés, les chevaux fringants aux harnais de glace sonore, les calèches attelées à la Daumont et pareilles à des bateaux de laque, l’Empereur qui saluait en souriant, et l’impératrice, plus belle qu’une fée, les jolies dames et les géné-