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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/131

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ment d’avoir introduit chez lui un mauvais drôle qu’il va faire traiter comme il le mérite.

Mon père est d’une humeur massacrante. Je finis par savoir pourquoi. Il paraît que les gardes nationaux de Paris se sont révoltés hier matin. Ils ont refusé de laisser livrer leurs canons aux Prussiens, et ils ont fusillé deux généraux. Voilà un affreux malheur. Et ce n’est pas la seule catastrophe qu’on ait eue à déplorer dans cette néfaste journée. Le général de Cissey, escorté de son état-major dont faisait partie le général de Rahoul, était allé reconnaître les positions des insurgés, vers Montmartre, et s’était vu obligé de se replier en bon ordre. À la descente de la rue de Clichy, deux accidents éternellement regrettables se sont produits. Malgré la grande habitude qu’ils avaient l’un et l’autre de la retraite, le général de Cissey a perdu son képi et le général de Rahoul a fait une chute de cheval. Le képi est resté sur le terrain ; le général de Rahoul aussi. Il était tombé sur le crâne et, bien qu’il eût la tête dure, s’était tué net.

Il paraît que le Panari est dans les larmes ; je crois qu’on exagère. En tous cas, j’espère que Mme de Rahoul se consolera. Elle pourra vivre sur sa pension de veuve de général ; mais pour avoir un bureau de tabac, elle est trop vieille. C’est dommage.

Mon père, donc, est furieux contre les Parisiens qui veulent continuer à faire la guerre ; mais le général de Lahaye-Marmenteau, qui vient le voir dans la soirée, lui fait comprendre qu’il y a là une superbe occasion de gagner de nouveaux galons — ou de conserver ceux qu’on a. — De fait, deux jours après, on donne à mon père le commandement d’un des régiments qu’on forme avec les prisonniers qu’on fait revenir d’Allemagne en toute hâte, pour aller combattre l’insurrection.