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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/206

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l’ordinaire, et dont deux au moins sortent de l’ordinaire. Le premier a été promu récemment et vient d’être proposé pour la croix. Comme lieutenant, il avait été rapatrié, voilà six mois, sous prétexte de dérangement cérébral, pour avoir fait torturer et mourir sous le bâton quelques douzaines de nègres dans un Soudan quelconque. « Il avait cédé, dit un journaliste qui le défendit alors pour une somme modérée, à la tentation de ne point déranger les habitudes des noirs qui, depuis des milliers d’années, sont accoutumés à n’obéir qu’à la bastonnade et à la décapitation. » Je dois dire que la dévotion de cet assassin est exemplaire. Quant au second capitaine, c’est réellement un phénomène. Habituellement, n’est-ce pas ? les capitaines ne savent plus l’École du Soldat ; ils l’ont oubliée. Eh ! bien, lui, il la sait. Il est célèbre pour ça, à juste titre, dans tout le Corps d’armée. Quand il fait manœuvrer sa compagnie sur le cours Saint-Vincent, devant la maison qu’il habite, sa femme, cachée derrière un rideau et qui sait aussi l’École du Soldat, observe les mouvements des hommes ; à la pause, elle signale à son mari, qui monte la consulter, ceux qui manœuvrèrent mal.

Femmes d’officiers : le gros sac, la certaine fortune ou la dot réglementaire. Le gros sac, que les mamans engagent fiévreusement leurs fils à décrocher, et pour le décrochage duquel, d’ailleurs, elles les destinent à l’épaulette dès leur plus jeune âge ; la certaine fortune, dont on se contente lorsqu’on sait encore allier, sous les brandebourgs du dolman, quelque sentimentalité à la soif de l’or que rend impérieuse l’oisive existence militaire ; la dot réglementaire, dernier refuge des pécheurs en perdition qui réclament un ange gardien. Au début, l’allure de ses dames varie, suivant les moyens, de celle du caporal-instructeur à celle du demi-castor ; plus tard, de celle de la petite bourgeoise aigrie à celle de la