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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/221

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les commérages ; personne, naturellement, n’avait pu entendre un mot de ce qui s’était dit ; mais on savait que nous avions parlé ensemble pendant une demi-heure. Et lorsque le départ du lieutenant fut constaté — un départ qu’on traita de fuite et de désertion — le bruit commença à courir que j’avais été, en quelque sorte, son complice ; d’autres rumeurs désagréables se répandirent en même temps. Je cherchai à découvrir les auteurs de ces calomnies imbéciles ; on se déroba. Je priai le colonel de s’interposer ; il balbutia des choses vagues ; sa femme, qui le remplaça au salon dont il s’esquiva aussitôt que possible, me demanda à quelle église j’avais fait mes Pâques. Je compris qu’il y avait une lutte à engager ; mais je ne voulus rien entreprendre avant d’avoir consulté mon père. Je lui demandai de me faire obtenir immédiatement un congé de quinze jours.



— Mon garçon, me dit mon père quand je lui ai fait l’exposé de ma situation à Nantes, il n’y a pas de lutte à engager ; ce serait la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Laisse-moi chercher un tour dans mon sac.

Il se lève et se met à marcher de long en large dans le vaste cabinet qu’il occupe aux bureaux du ministère de la guerre. Au bout d’un instant, il s’arrête et vient frapper la table d’un grand coup de poing.

— Voici ce qu’il faut faire. Tu vas demander à permuter ; je ferai accueillir ta demande immédiatement ; tu permuteras avec un sous-lieutenant du régiment d’infanterie stationné à Angenis et qui sera enchanté de venir à Nantes. Je vais arranger ça. Tu ne t’embêteras pas à Angenis plus qu’à Nantes ; tu as de l’argent, et quand on a de l’argent, les plus petites garnisons sont les meilleures. Aussitôt l’affaire arrangée, c’est-à-dire dans