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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/263

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La France est triste, depuis que Boulanger ne préside plus à ses destinées guerrières. On dirait qu’elle a perdu son joujou. Mais elle a ses étrennes, et même un peu avant l’époque ; le 11 décembre 1886, Boulanger reprend le portefeuille de la guerre. Et moi aussi j’ai mes étrennes ; le 1er janvier 1887, je suis nommé lieutenant. J’ai donc deux galons sur ma manche. Ça me fait une belle manche.

Cette dernière phrase pourrait vous faire croire que je ne prends pas ma profession fort au sérieux, et vous auriez à moitié tort. Je suis, si vous voulez, comme un homme convaincu en matière de doctrine, mais auquel manque la ferveur spirituelle. Il me faudrait des raisons bien puissantes pour quitter l’armée ; mais si une occasion tentante se présentait, je laisserais là l’épaulette. À vrai dire, j’ai cherché cette occasion, pour différents motifs ; mon argent qui file rapidement, l’insipidité de mon existence, d’autres raisons. Vous comprenez qu’il s’agit de tentatives matrimoniales. J’ai fait insérer dans les journaux une des 50.000 annonces militaires que vous pouvez y lire chaque année. « Officier (Saint-Cyr), vingt-cinq ans, bien sous tous rapp., gr. espér., sans sots préjug., épous. jeune fille ou veuve (divorcées non accpt.) Fort. aisée. Tr. sérieux. Ecr. M. E. C. 89. » Les résultats n’ont pas été encourageants ; je n’en dirai pas davantage. Des intermédiaires obligeants, entre autres un général en retraite et deux veuves de colonels, se sont occupés de m’aider à convoler en justes noces. Ils m’ont présenté successivement plusieurs jeunes personnes, élevées aux Oiseaux, qui avaient de beaux cheveux et aimaient beaucoup leurs mères ; mais, comme dit l’autre, j’ai reculé. Tout cela ne prouve point que je ne ferai pas