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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/315

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pule à tromper Me Hardouin ; c’est un homme fort intelligent, d’une grande pénétration, et qui me plaît beaucoup. Il a pour amis plusieurs hommes qui m’intéressent aussi vivement. Je ne veux pas parler de l’avocat Courbassol, politicien hors cadres, verbeux et vide, auquel le notaire témoigne une ironique déférence, et qui fait une cour assidue à Mme Hardouin. Je pense surtout à l’abbé Lamargelle, un personnage bien curieux.

Faire le portrait physique de l’abbé serait assez difficile, et je préfère laisser ce soin à d’autres. Il est, pour le moment, professeur d’un garçon d’une douzaine d’années, assez niais, le fils du comte de Movéans et de la comtesse, née Pilastre. Il ne semble pas que ce poste soit autre chose qu’une sinécure ; les commérages, il est vrai, assurent que l’abbé sacrifie à la mère le temps qu’il ne consacre pas au fils ; mais faut-il ajouter foi aux commérages ? Le sacrifice, d’ailleurs, n’aurait rien de particulièrement pénible. La comtesse est une femme jolie encore, aimable, que ne défigure pas l’embonpoint de la quarantaine ; des manières vives, un peu trop primesautières, qui trahissent l’impétuosité du sang et l’origine plébéienne ; la voix d’une franchise étudiée, la physionomie d’une Parisienne futée, un peu blasée, beaucoup curieuse, avec des paillettes de rire dans les yeux et l’amertume d’un pli sarcastique au coin des lèvres. Le comte est un être maigre et long, terne et solennel. Il descend d’une vieille famille du Poitou, et l’abbé l’appelle « un vase des Deux-Sèvres ». Ce n’est pas, pourtant, un vase d’élection ; il a fait trois fois appel à ses concitoyens, et trois fois ses concitoyens ont refusé de l’envoyer siéger au Parlement. De dégoût, M. le comte de Movéans a transporté ses pénates de Niort à Malenvers. Il a acquis, au sortir de la ville, une grande et belle propriété, le château du Valvert. C’est là que j’ai eu récemment l’honneur de faire sa connaissance.

L’abbé, qui m’a présenté, m’avait prévenu de la com-