Aller au contenu

Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/322

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sion, jusqu’ici, de régler mes comptes de tutelle, et que je te dois encore une certaine somme ; je tiens cette somme à ta disposition. Aie patience, et tu ne pourras pas dire que ton père t’aura fait tort d’un sou. Après-demain, je te remettrai une somme de cinquante mille francs… Qu’est-ce que tu dis ?

— Je ne disais rien ; mais je te remercie…

— C’est bon, c’est bon ; nous ne nous disputerons pas pour ça ; si tu ne veux pas cinquante mille francs, nous dirons vingt-cinq mille ; moi, ça m’est égal. Mettons vingt mille francs pour faire un chiffre rond. C’est juste ce que doit me verser demain un marchand d’antiquités pour quelques bibelots que je lui ai vendus. Ces sauvages du Garamaka avaient une sorte de civilisation, et leurs objets d’art ont du prix. J’en ai rapporté douze caisses, de cinq cents kilos chacune ; tout le plus chouette. Il y a des choses charmantes que la baronne elle-même admire.

— Alors, ces sauvages avaient de bons côtés ?

— C’étaient des gens très doux, très calmes, presque sans mauvais instincts. La preuve, c’est que nous les avons massacrés par centaines et par milliers, et qu’ils n’ont pas rouspetté. Les histoires de cruauté qu’on débitait sur leur compte n’étaient que des mensonges inventés par les missionnaires. Malgré tout, ces mensonges n’ont pas fait de mal, puisqu’ils ont amené la guerre. Tu sais que je n’en pince pas pour la calotte, mais je dois dire que les missionnaires nous ont été très utiles ; ils nous ont donné tous les renseignements au sujet du pays, qu’ils connaissaient parfaitement car ils y avaient toujours été bien reçus, au sujet des taxes à imposer, des amendes à infliger, des contributions, etc. Si ces bons pères n’avaient pas été là, nous nous serions fait rouler ; nous n’aurions pas exigé assez ; mais avec eux… confiscations, rançons, razzias, ça n’arrêtait pas. Tu comprends ce que