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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/372

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Trisonaye, en effet, obligé enfin de faire arrêter son ami Triboulé, a fait aussi poursuivre le malheureux Plantain. Et, grâce à la complicité d’une magistrature infâme, le grand ingénieur qui a rendu tant de services à son pays vient d’être condamné comme traître. La foule admire fort la décision des juges, mais réclame d’autres amusements. En voici un. La flotte française va faire, à Kronstadt, une visite à la flotte russe. Et la Russie, non contente de promettre un bon accueil à nos vaisseaux, déclare aussi qu’elle recevra notre argent avec un grand plaisir ; elle émet en France son premier emprunt. Les Français exultent, se voient déjà accouplés aux Cosaques. « Enfin ! s’écrient-ils, nous ne sommes plus seuls ! » On dirait qu’ils ont quelque chose à porter — quelque chose qui pèse très lourd. — De la gloire, peut-être…



Dans l’automne de 1891, j’ai demandé à être envoyé au Tonkin. Je vous fais grâce des raisons qui m’ont poussé à m’éloigner du charmant pays de France. Mon père, informé de ma décision, m’a répondu par lettre qu’il me laissait libre d’agir à ma guise. Il m’a fait entendre que ma gaucherie lui a causé la plus pénible impression ; pourquoi n’ai-je pas été malade, le jour où l’on nous a donné l’ordre d’aller à Courmies ? Qu’allais-je faire dans cette galère ?

Mon métier. Mon métier de garde-chiourme. J’ai aidé à maintenir dans le devoir, par la terreur, des esclaves blancs. Selon toute prévision, maintenant que j’ai reçu l’ordre de partir pour l’Indo-Chine, je vais aller aider à maintenir dans le devoir, par la terreur, des esclaves jaunes.

Les prévisions se sont réalisées. Cependant, je ne donnerai pas le moindre détail sur mon existence pendant