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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/374

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1871. Le peuple français a une longue patience. C’est la longue patience, a dit Buffon, qui constitue le génie. Tout est possible.



Donc, je suis revenu à Paris, au commencement de mai 1894, en congé de convalescence. Vous ai-je dit que j’avais été blessé au Tonkin, vers la fin de 1893 ? Pas très sérieusement ; mais cependant j’ai été inscrit au tableau, et je compte recevoir mon troisième galon au mois de juillet.

Quelques jours après mon retour, je reçois la visite, dans le petit appartement que j’occupe rue de Varenne, d’un monsieur vénérable, à barbe patriarcale et à gestes onctueux, que je ne reconnais qu’au bout d’un instant. C’est M. Curmont. Comment a-t-il découvert mon adresse ? C’est sans doute mon père qui la lui a donnée ? M. Curmont sourit affirmativement.

M. Curmont m’apprend qu’il est membre de la Société de Paix et d’Arbitrage. Je le croyais trésorier-payeur ; mais il paraît qu’il a pris sa retraite, il y a quelque temps. Est-ce en sa qualité de membre de la susdite Société, que M. Curmont vient me surprendre ? Oui, c’est en cette qualité. La Société, dans son désir de voir la fraternité régner sur la terre, cherche à recueillir de la bouche de témoins irrécusables des preuves de l’infamie de la Guerre et des horreurs qu’elle entraîne. Il est bien entendu que la plus grande discrétion est de règle. Les communications de toute nature sont strictement confidentielles. Beaucoup d’officiers, comprenant qu’ils servaient la cause de l’humanité, ont déjà livré à la connaissance de la Société des faits intéressants. Voudrais-je les imiter ?

Je n’y tiens pas énormément. La guerre est horrible, sale, et haïssable ; c’est certain. Mais je pense que ce sont