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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/405

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temps repliée sur elle-même, mais depuis que les fêtes de Cronstadt ont éclaté comme une fanfare, l’incendiaire poignée de mains franco-russe nous a rendu notre vigueur. » Une bonne moitié des rédacteurs de journaux français, il faut le dire, ne s’abandonne pas à un enthousiasme aussi désordonné. Les Belges sont trop expansifs, c’est vrai ; mais les Suisses modèrent leurs transports.

M. Delanoix, que je vois assez souvent chez son gendre, bien qu’il soit grand partisan de l’alliance, me semble plutôt Suisse dans l’expression de ses sentiments. Il dit que la Russie est l’alliée naturelle de la France, mais qu’il faut constater ce fait indéniable avec modération ; que la France sera toujours la France pourvu qu’elle reste modérée ; que l’armée est une institution grandiose et démocratique, et qu’il ne faut la critiquer qu’avec modération. M. Delanoix est devenu tellement père conscrit, il l’est devenu si complètement et avec tant de bonne foi, que je commence à l’aimer.

Mais j’aime mieux sa fille, ô gué, j’aime mieux sa fille !



J’ai chanté tellement haut qu’on m’a entendu. Et voici les reproches éloquents, muets, ironiques et chagrins qui commencent à pleuvoir. M. Pilastre me gratifie de longs discours qui tendent à prouver que le moindre écart dans la conduite d’un officier porte atteinte au prestige de l’armée territoriale, à laquelle il appartient. Mlle Pilastre, qui vient de revenir de Nice, au commencement de cette année 1896, m’accueille avec une froideur que la température ne suffit pas à justifier ; Mlle de Lahaye-Marmenteau approuve sardoniquement mon goût pour les fruits mûrs, et le général de Lahaye-Marmenteau me transperce de regards sévères. On dirait vraiment que je suis la propriété de tous ces gens-là, et que je commets un crime en