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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/418

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La journée a été horriblement longue et fatigante. Pourtant, je n’ai pris que quelques heures de repos ; et, bien avant minuit, j’ai été relever les deux officiers d’ordonnance qui veillaient le corps de mon père.

Je suis donc seul dans la chambre mortuaire, et m’ennuie ferme. Mon père avait bien des défauts, c’est certain ; mais je puis assurer, non sans un certain orgueil filial, que c’est la première fois que je m’embête avec lui. Si encore j’avais apporté quelque chose à lire… Les scellés ont été posés sur tous les meubles ; à l’exception pourtant d’un secrétaire, à gauche de la cheminée ; ce secrétaire, m’a-t-on dit, ne contient que des papiers personnels et de l’argent ; la clef m’en a été remise à mon arrivée. Si j’en faisais l’inventaire ?

Les tiroirs sont dans le plus grand désordre. Je trouve d’abord deux cassettes ; l’une qui contient de l’argent, l’autre qui contient des lettres dont la suscription semble récente. J’ouvre l’une de ces lettres ; puis, toutes les autres ; elles m’intéressent beaucoup (vous verrez pourquoi, mais un peu plus tard). À part cela, je ne découvre rien de bien curieux. De vieilles lettres d’amour ou d’affaires ; des factures ; des fleurs séchées, des mèches de cheveux ; des compliments que j’ai tracés péniblement, aux jours lointains de mon enfance, pour la fête paternelle ; des billets à ordre et des photographies ; des lettres de ma mère et de mes grands-parents ; et un cahier, au papier jauni, sur la couverture duquel s’allongent des mots allemands, couleur de rouille. Je prends ce cahier, dont le titre seul (Der Beresina-Uebergang. Eine Berichtigung) éveille en moi des souvenirs nombreux. C’est un manuscrit qui fut composé, voilà bien des années déjà, par mon grand-père, Ludwig von Falke. Et je revois