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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/429

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que et à l’honneur national ». Il aurait été contraire à l’honneur national, selon Napoléon et selon bien d’autres qui l’avaient précédé ou qui le suivirent, de dire la vérité. Donc, on mentit ; donc, on ment ; donc, on mentira. La nation française est invincible, elle est la reine de la civilisation, elle est la première nation du monde. Et, quels sont les fruits de l’imposture et de la hâblerie, on l’a vu en 1870, on le voit aujourd’hui, on le verra peut-être demain — et pour la dernière fois. — Ce prestige de la France que j’ai vu surgir ici, il y a quelques heures, c’est un mensonge. C’est de l’irréel, c’est du truqué ; c’est du décor, c’est du plagiat. C’est le semblant de vie et de grandeur qu’il y a dans cette chambre, que crée l’animation factice de choses mortes, de tentures, de fleurs coupées, de drapeaux— de choses mortes qui font un cadre éphémère à un corps qui se corrompt, qui pue…

Je me lève et je vais et viens. Le vide, le vide énorme de l’existence qui fut celle de mon père, qui est la mienne, qui est celle de mon pays, m’apparaît tout d’un coup. Oh ! je veux vivre, vivre complètement, et libre. Je quitterai l’armée ; ma détermination est bien prise… Mais le sommeil me saisit ; je regagne mon fauteuil et j’essaye en vain de relire quelques pages du manuscrit. Le jour va se lever, le frisson du matin me secoue. La pluie commence à tomber, frappe les vitres. Le bruit des cordes d’un luth touché aux endeuillées mesures du vieux temps, d’une gaîté lente, voilée de crêpe. Puis, de longs silences ; des chansons jamais chantées. Puis, des bruits clairs, des cliquetis, des sifflements d’aciers froissés, des crépitements secs ; des demi-rêves de bataille ; des rêves de révolte. Puis, le sommeil.



Les funérailles. Les obsèques d’un général commandant un corps d’armée. De temps en temps, on peut voir ça.