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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/52

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dans les siennes ; et, pendant quelques instants, pas un mot n’est prononcé. C’est mon oncle qui rompt le silence.

— Maman, avez-vous pensé à ce que vous allez faire maintenant ? Avez-vous l’intention de rester à Versailles ? Ou bien…

Ma grand’mère regarde mon oncle, qui continue d’une voix plus rapide :

— Oui, j’avais pensé que vous n’aimeriez pas demeurer ici. Pour beaucoup de raisons. Je crois inutile de les détailler. J’avais pensé aussi que peut-être vous voudriez bien m’accompagner quand je retournerai en Allemagne.

Ma grand’mère m’attire à elle et pose sa main sur ma tête.

— J’y avais pensé, dit-elle, mais je ne puis abandonner cet enfant-là. Je suis sa mère, à présent.

— C’est précisément pourquoi j’avais songé à vous faire l’offre que je vous fais, reprend mon oncle au bout d’un instant. Jean est très jeune, et vous êtes âgée. Les circonstances peuvent devenir difficiles pour vous. Il peut se produire des événements, des événements graves, qui mettraient vos forces à une trop rude épreuve. L’horizon est noir…

Et mon oncle se met à parler bas, en allemand. Je ne comprends que quelques mots, de temps en temps : Krieg, guerre, par exemple.

— Je crois que tu as raison, Karl, répond ma grand’mère ; les choses dont tu parles me semblent, à moi aussi, inévitables. Mais c’est justement pourquoi je ne puis accepter ton offre, dont je te remercie de tout mon cœur. Cet enfant est Français. Et pour moi, bien que mon mariage avec ton pauvre père m’ait faite légalement Allemande, je ne puis pas oublier que je suis née Française. N’insiste pas, mon cher enfant.