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Page:Darien - L’Épaulette, Fasquelle, 1905.djvu/63

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Delanoix qui opine pour le bannissement perpétuel. Estelle, consultée, rend le même verdict que son père ; et le général de Rahoul, qui la couve des yeux, se range sans difficulté à son opinion. Mon père déclare donc qu’il signifiera à Raubvogel, qui doit venir le voir demain, qu’il ne veut avoir rien de commun avec lui. Là-dessus, on passe à d’autres sujets de conversation. Le général de Rahoul raconte des histoires gaillardes, qui permettent à Estelle de montrer ses jolies dents. Et le temps passe si bien que Delanoix s’aperçoit tout d’un coup qu’il est deux heures moins un quart. Et mon père qui a promis de le présenter au maréchal à deux heures ! Et le maréchal qui va attendre !

— Nous avons le temps, dit mon père. Je boucle mon ceinturon, pendant que vous mettez votre chapeau, et nous partons.

— Je ne vous accompagne pas, dit le général de Rahoul. Il ne faut point avoir l’air de forcer la main au maréchal. Je vous attends ici en sirotant un petit verre de chartreuse.

Mon père et M. Delanoix partis, le général m’engage à aller m’amuser au jardin. C’est excellent pour mon âge. J’y vais. Mais, au bout d’une demi-heure environ, je m’y ennuie ; et je reviens dans la salle à manger. Elle est vide. Où sont passés Estelle et le général de Rahoul ?

Dans le salon, dont la porte est fermée, j’entends comme un piétinement, un bruit de voix. Des bouts de phrases parviennent à mes oreilles.

— Non, non, laissez-moi…

— Voyons, voyons, ma petite, ma chérie…

Puis, il y a un grand bruit comme celui que ferait un corps qu’on renverse, et je perçois des cris de femme, à demi étouffés. Je ne sais que croire… Mais j’entends la grille s’ouvrir. Ce sont mon père et Delanoix qui reviennent. Je me précipite au-devant d’eux pour leur